1h16 que je suis réveillée, ou quasi éveillée. Mais je n’avais rien vu.
J’étais dans le gris glauque d’un bouillonnement de crâne. Enfermée dans ma tête, automate d’un jeudi. Un de ces matins neutres, où je ne sais pas raconter l’eau de ma douche ou la couleur de son pull.
Mes mains agrippent probablement le plastique souple du guidon à travers la toile un peu rêche de mes gants. Mais je ne les sens pas.
Mes cuisses appuient vraisemblablement mes chevilles qui pressent les pédales qui tournent les roues qui emportent mon corps. Mais je ne le sais pas.
Mes cuisses appuient vraisemblablement mes chevilles qui pressent les pédales qui tournent les roues qui emportent mon corps. Mais je ne le sais pas.
Ma tête est ailleurs. Lapin Blanc d’une Alice trop pressée, elle liste, elle trie, elle stresse, elle démêle. Elle regarde une montre.
Ne pas oublier de faire ça, de lui dire çi, d’aller là-bas et de rapporter ça ici. Auront-ils pu le faire ? On n’aura pas le choix. C’est quand même pas possible que …
Rouge.
J’ai du rouge plein les yeux. Ils viennent de s’ouvrir pour la première fois de la journée.
Le blanc du Lapin du futur vient de laisser la place au rouge de toi, ici, maintenant.
Tu es figée sur ce parvis.
Devant cette église un peu majestueuse, un peu fatiguée, les sapins de Noël sont arrivés cette nuit. Et toi, tu t’es plantée au milieu des arbres, avec ta crinière rouge.
Ou peut-être ne sais-tu pas..
Tu as l’air d’attendre quelqu’un derrière ton visage fermé. As-tu un lapin blanc dans la tête?
Peut-être tes cheveux sont-ils rouges aussi en été…
Peut-être l’attends-tu chaque jour sur ce parvis…
N’empêche que ce matin, l’écarlate de tes cheveux sur le carmin de ta doudoune a révélé le vermillon des guirlandes des sapins. Le groseille du velours qui ceint les pieds des arbres a embrasé le matin.
Rouge. Rouge. Rouge. Rouge.
Forêt de rouges, fiesta de rouges, orgie de rouges.
Forêt de rouges, fiesta de rouges, orgie de rouges.
Tu t’es mise juste là, pour que ce matin, le rouge de tes cheveux allume tous les rouges de Noël. Et mes yeux en même temps.
Alors je m’arrête.
Et je mets pied à terre et je regarde enfin.
Et la frise orangée au fronton de l’église, et le blanc des nuages qui encadre le bleu, et les Hommes et les arbres, et les verts et les mauves.Je suis sortie de ma tête. Je suis devant mes yeux.
Il aura fallu ton rouge pour que mon aujourd’hui commence.Depuis j’ai même repéré des bottes en plastique girafe sous un pantalon zèbre ; un carter de vélo rose sous une selle jaune ; une tunique de soie pêche sous un bonnet lavande.
Un rouge à lèvre bleu.
Il aura fallu ton rouge pour que mon aujourd’hui commence.Depuis j’ai même repéré des bottes en plastique girafe sous un pantalon zèbre ; un carter de vélo rose sous une selle jaune ; une tunique de soie pêche sous un bonnet lavande.
Un rouge à lèvre bleu.
Un mardi pas si gris, en décembre