Pas du tout prévu comme ça.
Matin normal de lundi normal.
Douche sans y être, quelques mots échangés. Lancée dans la journée, les tâches, les actions, les urgences. Tellement de choses à faire, un planning bien huilé.
Mais il est revenu.
Arrivée au coin de la rue, je n’y ai vu que lui. Encore un peu timide, pas sûr d’avoir le droit. Il se faisait discret, encore pâle. Amaigri.
Pour ne pas l’effrayer, par peur qu’il ne s’enfuit, les passants l’ignoraient. Ils marchaient comme un lundi, comme un lundi normal.
Mais moi, je n’ai pas pu. Il m’avait trop manqué.
« – Des mois qu’on t’a pas vu, sur cette terrasse, dans cette rue. T’es revenu pour de bon ?
– Je sais pas. Assieds-toi. Prend un café.
– Sérieux ? Je peux ? »
Oubliées les urgences, les tâches et les actions. Quand un ami si cher revient sans prévenir, excel saura attendre.
Slalom sur la terrasse, quasi-vide à cette heure. Perco, cuillères, voix, cliquetis, il est trop tôt. Tout est resté à l’intérieur.
Evidemment, je retourne à ma place, au fond à gauche, de ma terrasse. Secondes d’hésitations face au métal de ma chaise. 3 mois qu’on s’est pas vu. Peur d’une cryogénisation fessière. Mais mon ami est là depuis déjà 10 minutes. Il a chauffé la place.
J’avais oublié le beau vert de ma table.
Soleil est revenu, on s’prend un p’tit café!
Tout d’abord il m’aveugle.
Timide, pâle, amaigri, il réussit encore à manger les images. Les hommes sont des silhouettes, qui dansent dans sa lumière. Mes yeux veulent se fermer, et je les laisse faire.
Comme toujours entre amis, on s’embrasse sur la joue. Timide, pâle, amaigri … il ne chauffe pas bien fort. Mes cheveux tout d’abord, du sombre à même la peau. Puis c’est mon front qui fond. Alors il prend confiance. Visage, cou, les épaules. Je retire mon écharpe.
Un rendez-vous galant, fougue des premiers baisers.
Ma tasse est sur la table. Ma voisine bouquine, expresso terminé. D’un sourire nous disons « qu’est-ce qu’il nous a manqué ! »
Un Playmobil passe, les couleurs apparaissent.
Je le sens qui chancèle, il doit déjà partir. Il est encore trop jeune pour briller multiplex.
Convalescent du froid, il n’est pas monté haut. Il va changer de rue.
La lumière diminue, les ombres se font humains. Les bonnets, les manteaux apparaissent quand il part. Un souffle froid d’hiver remonte ma cuisse droite.
Je redeviens lundi.
18 février sur ma terrasse