Mes yeux réclament la douceur de cette peau sur la pulpe de mes doigts.
Satinée, presque soyeuse. Tendre, presque moelleuse. Lumineuse, presque laquée.
Parfaite.
Aucune ride d’avoir trop vécu, aucune faille d’avoir trop plié, aucune tâche d’avoir trop subi.
Courbes parfaites. Vierges du temps.
Un brun profond qui aurait voulu être bleu.
Cacao des fonds marins.
Chaque fois que mon regard se dépose sur cette silhouette, mes doigts se tendent en caresse.Attraction irrésistible. Je voudrais toucher tout le temps.
Mais « ça ne se fait pas ». Que diraient les gens ? Et puis c’est pas pratique.
Alors mes mains restent loin quand nous marchons ensemble. Mes yeux naviguent au large pour éviter la tentation.
Je regarde droit devant.On pourrait croire que j’ignore, que je ne me suis pas rendu compte de cette splendeur puissante qui m’accompagne.
Ou plutôt que j’accompagne.
Dos bien droit, larges enjambées, regard lancé.
Je m’électrise du regard des passants. Je les devine éblouis de beauté, envieux de ma gloire. Ils ne peuvent pas ne pas le voir.
D’autant qu’ils ne peuvent pas ne pas l’entendre. Musique profonde, sourde et puissante, qui accompagne chacun de nos pas. Les rues résonnent de sa chanson.
Ma nouvelle paire de bottes!
Petite douleur à l’orteil gauche.
Lionceaux espiègles, elles mordent encore un peu. Nous nous habituerons, nous ferons l’un à l’autre.
Un jour elles seront pantoufles. Aujourd’hui, elles sont surtout belles.
Un coin de sourire se pose sur ma joue gauche. Le temps remonte.J’ai 6 ans. C’est la rentrée.Une nouvelle paire de « chaussures qui courent vite ».
Les poings crispés dans mes poches, pour ne pas courir tout le temps.Ne pas m’envoler de joie. Ne pas hurler à tous « Regarde mes nouvelles chaussures !! »
J’avais acheté des chaussures bleues.
Magnifique!!! Relu plusieurs fois pour en apprécier toutes les subtilités:-) grand sourire sur mon banc de square:-)