« Bonjour, est-ce que je peux vous demander un café allongé, s’il vous plait ? »
Débile !
T’as déjà la langue en râpe à bois tellement t’as bu de « cafés allongés » depuis ce matin…

« -Bien sûr. Est-ce que vous aimeriez des tartines ou un croissant avec ?
-Non merci, le café suffira. »
Forcément ! 73 cafés délicatement déversés dans un estomac vide, c’est connu pour avantageusement remplacer toute forme de vitamine et autre nutriment…

Un goût amer entre les deux amygdales. La partie la plus charnue de la langue qui se frotte sur le palais écœuré. Chien pelé en manque d’amour.
Les dents de devant qui baignent dans une salive trop épaisse pour être honnête.
Les lèvres très légèrement brûlées, la peau contre les incisives qui pique même un peu. Comme après un bain de mer, nagé la bouche ouverte. 

Sourire de joie. « Génial ! Il a mis un verre d’eau avec ! »

Instinct de survie.
D’autant que c’est celui de la cantine ! Le Duralex. Qui me disait qu’un jour, dans mille ans, j’aurais 27 ans.

Un verre d’eau … J’aimerais être la lumière de son eau claire, et plus la bourbe de mes cafés…
Les rayons du soleil chantent ses transparences, cathédrale aquatique.
Même son ombre sur le bois se pare d’un arc-en-ciel. L’Univers veut me dire qu’Il est la Voie.
Goulument, je le bois.

Ma bouche s’emplit alors d’une fraicheur rieuse. Dauphin des mers turquoise, ma langue fait des loopings dans les flots qu’elle agite. Elle espère faire peau neuve.
L’amertume se dissout. Quand la cascade claire passe les amygdales, elles croient qu’elles sont sauvées.

Et puis l’eau disparait. Avec la nostalgie de la dernière pluie des bédouins du désert.
Retour de la salive. Du palais paillasson.
Ne reste que le noir, l’amertume oppressante, la force inéluctable.

Dans la porcelaine sage, la mousse sur le breuvage est déjà disloquée. Plage de sable beigeasse, entre la tourbe du liquide et le blanc du solide.

Mon estomac qui crie. Ma langue qui supplie.
Il suffirait de ne pas boire.Mais mon œil gauche reluque, tandis que tu me parles.
Et ma main saisit l’anse, tandis que je te parle.

Porcelaine tiède sur lèvres brûlées, bout de la langue qui va chercher sa dose. Tel le Robinson de Tournier, ma bouche retrouve sa « souille 1».

Je repose la tasse. Mes mains ont à te dire, pour soutenir mes mots.
Mais elles tremblent tellement … chevrotent telles des vieilles.
Je pose les coudes, contracte les avant-bras. Reprendre le contrôle.
Tu me crois trop émue, quand je dis piteusement « J’ai bu trop de café ».
Et tu vois à mon cou que mon cœur bat trop vite et que mes mains palpitent.
J’aimerais tellement que ce soit l’émotion et pas la caféine !

Et puis soudain mon ventre convulse sous les coups.
Estomac en caverne où le café me racle, me scie, me ronge, m’ulcère. La fraiseuse du dentiste quand elle se fait liquide.
Une légère torture au-dessus de la tempe gauche : une migraine prend racine.
Le café déshydrate ? ah bon ?

Toujours mes mains qui tremblent, et puis mon cœur qui bat.

« -Tu reprends un café ?
– Un dernier alors … après, faut que j’y aille ! » 

Un mardi matin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


La période de vérification reCAPTCHA a expiré. Veuillez recharger la page.