Forcément leurs cheveux sont entravés.
S’ils ne sont pas court coupés.
Les Hommes se sont adaptés, sur ces îles où Il est chez lui.
Les longues crinières sont aux belles de passage, ou aux chevaux des carioles à touristes. Pas aux locaux.
Surtout aujourd’hui.
Le vent du large est de sortie !
Il est d’abord un grondement, celui qu’il souffle à l’Océan.
Qui sait dire de ce vrombissement, s’il est des vagues, s’il est du vent ? s’il est d’eau, s’il est d’air ? des abysses ou de l’atmosphère ?
Chaque jour le vent chante avec la mer, musique de chambre des îles du monde.
Il a fait ses gammes tout le jour, de la brise à la rafale. Ce soir il joue à l’homme-orchestre, il accorde ses instruments.
Le feulement des feuilles qui se frôlent sous ses assauts virevoltants.
Le cliquetis si singulier des drisses, chant des bateaux encore à quai.
Le claquement trop aigu d’un drapeau. Le tambourin d’un volet fermé.
C’est à un concert polyphonique que m’invite le vent ce soir.
Mais c’est réellement dedans moi qu’il brame à gorge déployée.
Si je le laisse frapper mon dos, il tambourine méthodiquement le bord des lobes de mes oreilles.
Si je lui tends la joue pour un baiser, il mugit dans mon écoutille.
Et si je m’offre, bien face à lui, il me croit sienne et m’envahit. A chacun de mes deux tympans, il rappelle qu’ici, il est chez lui.
Droit de cuissage du vent des îles, sans permission, il m’enveloppe.
Quel autre amant que l’air du vent sait m’embrasser le cou, les genoux, l’arrière des bras, l’avant des cuisses … tout ça dans un même mouvement ?
Malheureusement dans sa fougue, il a poussé un gros nuage devant le soleil. Fin des ébats, il fait trop froid pour un câlin !
Je mets une veste, croise mes deux bras.
Et je regarde.
Les clignements de chantilly sur les milliers de vagues furieuses. La lutte acharnée des feuilles qui aiment encore leur vieil arbre. Et les mouettes qui surfent, qui rient, qui plongent, qui jouent, qui fusent et qui me narguent !
La peau des joues qui sèche, les yeux qui humident. Le bout du nez.
Et ma crinière brune qui claque, horizontale, juste à droite de mon œil. Elle est mon oriflamme.
Ce soir, face à mon peigne, elle sera mon calvaire !
Touriste.