Jamais.
Ne plus jamais partir. Que jamais cela ne s’arrête.
Serrer les dents de revenir. Se promettre.
Peur de manquer quand la vie reprendra.
Les deux pieds sur la Terre, la bouche un peu ouverte. Parce que l’air est si froid et le bout du nez mouille.
Ou bien.
Les deux pieds dans la Terre, les coins des yeux qui plissent. Parce que le ciel brûle, le soleil mange la peau.
Pour lui ce sont des dunes, pour elle des cimes blanches. Le turquoise d’une mer, le vert d’un Océan.
Tant de lieux pour le vivre. Toujours un ciel immense.
Un paysage colossal qui s’offre à de trop petits yeux. Un horizon immémorial pour un moment qui cessera.
C’était beau avant l’Homme, beau sans même faire exprès.
Chaque particule de chaque molécule de chaque cellule du corps crie d’émotion. Comme un retour à la maison. Quand l’eau du sang bat avec les rivières, la chair des muscles chante avec les forêts, le vert des yeux se retrouve dans les algues.
S’arrêter face au monde.
Une boule dans le thorax qui gonfle pour disloquer. La cage qui veut s’écarteler, s’ouvrir par le sternum. La jointure des mâchoires presqu’un peu trop tendue de ne pas embrasser.
Et les mains, arrêtées, devant l’insaisissable.
Tout le corps est figé. Vouloir ne rien changer. Vouloir ne pas bouger.
Pétrifié de beauté.
Ça fait mal au-dedans tellement c’est beau devant.
Pivoter sur son cou devient insurmontable. Car regarder ailleurs, ce n’est plus voir ici. Mais ailleurs vaut autant !
Une brume de tristesse s’abat derrière les yeux. Un jour je partirai. Peut-être dans 5 mn.
Une zébrure de colère : n’est-on pas plus heureux quand on ne sait pas ça ? que ça ne manque pas ?
La sagesse revient. Savoir qu’on partage la même matière, certains disent la même âme, que ces montagnes et ces falaises, que ces cailloux et ces ruisseaux.
Emerveillé du Monde, envie de s’y couler. Vouloir ne pas penser, savoir juste exister.
Pourtant un neurone fou, qui se prendrait pour Dieu, souffle, voix du Malin, de capturer l’instant.
Sortir son téléphone ? Fourrer dans une image l’infinité du Monde ?
Mais c’est le seul moyen de partager cela !
Partager quoi ? C’est déjà à tout le monde !