Sophie Lavaur

Une dent d’écureuil qui grignote? Une scie à métaux de poupée ? Une lime de Dalton qui s’évade?
Elles ont toutes le même chant pourtant mon oreille reconnait la mienne.
Je planais dans le gris quand notre serrure m’a réveillé.

J’effleurais le sommeil, flottais dans le non-temps. Les yeux parfois ouverts dans l’étain de la nuit. Les paupières souvent closes sur des fumerolles de rêves.
Peau du ventre sur un drap, peau des joues dans les plumes. Epaules étirées, à peine, les mains sous le coussin.
Corps à moitié chez toi, corps à moitié chez moi. Un genou replié, un talon de grenouille. Dormir dans notre lit. Dormir quand t’es pas là.

Se gaver de silence. Se vautrer dans l’immense.

Mais chevillette tourne. Bobinette va choir. Enfin, tu es rentré.

Première partie de bruit : quand la clé nous t’annonce.
Elle est à la moitié, et mon oreille bondit et mon cœur se réchauffe. Savoir que tu vas bien.
Même si j’ai pas eu peur.

Clé gratte l’autre moitié. Ma nuit vient de finir. Va falloir être deux.

Deuxième partie de bruit : quand tu tournes la clé.
J’entends dans un sourire tes essais de silence. Tension dans ton poignet qui vrille mais qui maitrise sa course. Forcer pour passer le premier « clac » puis tourner doucement, pour ne pas faire de bruit.
Encore plus doucement. Pour ne pas nous réveiller.

Tout à coup j’ai 16 ans, mes baskets à la main.
Je rentre bien trop tard, les oreilles un peu sourdes, le souffle un peu trop court.
A peine fatiguée, le cœur ivre de vie. J’ai marché dans la nuit, les oiseaux se réveillent.
Et je tourne cette clé, doucement, pour ne pas faire de bruit. Encore plus doucement. Pour ne pas les réveiller.
Ne pas se faire choper ! Ma vie est un secret.

Tu as ouvert la porte. Je reviens dans mon corps. Ils sont loin mes 16 ans !
Au chaud dessous ma couette, au fond de notre chambre, je sens l’air pas pareil qui t’enveloppe encore. J’imagine sur ta peau l’odeur de leur cuisine, de ta nuit dans l’avion, du sable de l’Harmattan.

Si j’étais dans un film, je sauterais au cou. Fraîche, un peu endormie. Joyeuse et soulagée.
Mais je suis dans ma vie. Je referme les yeux. Profite encore un peu d’un lit pour moi toute seule !

Le bruit de tes roulettes sur le parquet tout propre. Les clés dans le panier. Tu délasses tes chaussures.
Tu bouges au ralenti. Et j’entends ta fatigue.
Le gris se fait plus clair. Le jour va commencer.

Une dent d’écureuil? Une scie à métaux ? Une autre clé dans notre même serrure ?

Pas de chance ma chérie ! Tes parents sont réveillés !!!
La prochaine fois que tu sors, vérifie quand ton père rentre.

Interdite de sortie pendant 1 mois !

Débutante …

2 commentaires sur “Quand tu rentres

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