Tu n’as pas bougé. Pas ouvert des yeux. Tu n’en as pas dé-fermé non plus.
Tu n’as rien fait. Avant n’existe pas et maintenant est advenu. Peut-être.
D’abord une image. Ou plutôt des formes et des couleurs juxtaposées. Simples, distinctes. Des lignes et des ovales. Du bleu dans du crémeux. Figés.
A plat.
Tout au fond d’une brume, une trace d’intuition te murmure du doux, du paisible.
Ça te réveille. Très très doucement, tu nais derrière des yeux.
Tu sens alors l’enveloppe qui te contient. Un corps.
Tu comprends que ce velours ambré qui occupe la moitié de l’image, c’est ton bras. Alangui devant des yeux qui sont les tiens.
Derrière, des bulles s’élancent de temps en temps dans du vert opaline. C’est la bouteille d’eau gazeuse sur la table basse. Pauvres bulles qui croyaient s’envoler et viennent mourir sur un bouchon de plastique. Ton cerveau vient de s’allumer.
Mais dans ce corps, tu es toujours pétrifié. Tu comprends que cette roche c’est un mur, que les arbres ont des feuilles et que le ciel est immense. Mais tu ne sais pas bouger. Tu n’en as même pas l’idée.
C’est peut-être ça la vie d’une pierre…
Quelqu’un branche la bande son. Des graves, des aigus, des croassements, des vrombissements. Des clapotis, des frôlements. Une soupe de bruits dans lesquels tu te baignes, comme dans une langue étrangère.
« Je pensais pas qu’on entendait si bien la route. » entends-tu, derrière ton nez, dans ta boîte crânienne.
Ça y est. Tu penses.
Tu comprends que tu es éveillé. Et tu commences à démêler. La pie, le vent, les voitures. Et cette cigale qui refuse l’automne.
On doit être aujourd’hui. Ou plus tard.
Tu réalises la langue collée au palais et ton dos enfoncé dans les coussins. Tu visites tes épaules agréablement écartelées et tes index embrassés en crochet, sur le lin au-dessus de ta tête.
Ça doit faire ça de se réveiller d’une anesthésie générale. Sauf que toi, tu te réveilles d’une sieste.
Sur une terrasse Côte d’Azur
credit photo: LaFlyingVaca

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