
Pourtant il était douillet.
Mon corps y était abandonné à sa chaleur parfaite. Mon âme avait pris ses aises sur ces coussins moelleux. Mon cœur s’était pelotonné, ronronnant dans notre air déjà respiré.
J’étais bien dans ce lit.
Mais sentir sur mes joues l’eau de l’air des montagnes. Tremper ma peau dans l’oxygène des hauteurs. Laisser le froid me purifier les yeux.
Avant que vous ne vous réveilliez.
Avant d’avoir à vous parler, vous regarder, vous aimer.
Voler quelques minutes de moi avant de redevenir nous.
Pour emporter les limbes de mes rêves dans la fraîcheur de la montagne, je n’allume ni les lampes, ni ma voix, ni ma tête.
Dans le vestibule, j’enfile de grosses chaussures fourrées, pour n’avoir froid qu’aux joues. Je remonte le col du vieux manteau, pour que le piquant de la glace ne prenne que la racine des cheveux.
S’emmitoufler, mais en silence. Surtout ne pas vous réveiller.
Fragilité de ma solitude.
Je trouve le panier de mamie. En osier, pas pratique. Parfait.
A l’instant où ma main touche la poignée de la porte qui me sépare de l’air, quelqu’un allume le soleil.
Il s’engouffre dedans, comme pour me dire de me jeter dehors.
Le rouge des fauteuils devient rose, le grand miroir s’éblouit tout seul. Les motifs du tapis s’animent, le blanc des murs fait meringue de neige.
En un quart de seconde, la semi-pénombre d’une journée pas entamée a laissé la place à cette lumière rousse, celle qui ne veut pas attendre les autres pour commencer à vivre. Comme moi.
Elle m’a vu, me dit de me dépêcher. Me prévient que l’eau de l’air va bientôt repartir avec la rosée de la nuit, que des voitures vont recommencer à tourner, que d’autres humains vont apparaître.
Qu’elle m’attend juste derrière la porte. Pour vivre ces minutes qui n’existent pas.
Un lendemain de décembre