Les mains dans les gants, les pieds dans les chaussettes. A travers la peau du jean, le froid mord un peu. Mais il est de cristal, et puis le ciel est bleu. Alors on lui pardonne.

Les dents propres, les joues lisses, je marche vers ce jour que je contrôle déjà. A droite passe une écharpe, je double un bonnet bleu.
Comme on est le matin, les rouges à lèvres sont rouges et les cheveux rangés. Tout le monde sort de la douche. On est tous beaux et propres, sérieux et puis pressés.

Le haut de mes oreilles commence à refroidir. Le creux du cartilage tente de retenir un petit boudin d’air chaud, mais je marche trop vite.
La peau fine de mon cou se tend dans la froidure. Elle aussi a vu l’écharpe de l’autre. Elle se sent négligée.

Alors je marche plus vite, mon cœur monte en pression, comme le poêle à bois d’un vieux chalet de montagne. Il fait chaud dans mon dos. Mes poumons veulent plus d’air, j’entrouvre un peu les lèvres.

Narine gauche qui chatouille.

J’étais belle, j’étais propre, maquillée, plastronnante. Mais je perds ma superbe. Car j’ai la goutte au nez.

La tranche de ma main droite frétille de la détruire. Mais pas avec des gants !
Alors je fais ce bruit, tellement laid et visqueux. Je renifle.
Petit ronflement vif, ventilation aigue. D’un coup sec et rapide je renvoie la visqueuse à sa source morveuse.
Je redeviens puissante et propre.

Un pas, 2 pas, 3 rues. Et puis ça rechatouille. Une toute petite goutte, à peine une rosée. Toujours la même narine. Toujours au même endroit.
Juste à la proue du lobe, dans ce minuscule creux qui prend la peau pour bouclier.
Agacement.

Je re-renifle. Elle s’alourdit. Installée.

De peur qu’elle ne grossisse, ou pire qu’elle ne s’échappe, je ferme les écoutilles. Les deux petits clapets juste au fond du palais bloquent l’arrivée d’air. Mon nez en quarantaine. J’ouvre un peu plus la bouche pour pouvoir respirer.
Alors la goutte grossit.

Je renifle plus fort. Ça énerve l’autre narine qui elle aussi se gorge.
Si je renifle encore … une vague de dégout au fond de l’estomac.

Je panique.
Si je respire je pleut. Si je renifle je bois.
Si je m’arrête je loupe mon train.

J’ai plus 4 ans … je peux quand même pas me moucher dans mes gants …

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