C’est aujourd’hui ? Déjà ?
Légère moiteur sur la peau des omoplates. T-shirt qui colle sur les poignées d’amour. Aisselles sub-aquatiques.

Pourtant je ne cours pas très vite ce matin. Pomerol dans une cuisse, brillat-savarin dans l’autre.

C’est que ça doit être aujourd’hui …

Je ne l’attendais pas si tôt … serait-il en avance ?

Pourtant, il y eu des signes. Me revient mon sourire au bleu de la fenêtre. Je l’ai noté plus vif ce matin au réveil … et quand j’ai vu les gants qui réchauffent mes joggings depuis 2 mois, je les ai laissés dormir, sans une hésitation
… et les cuisses de cet homme qui sortaient de son short. D’accord, il courait vite. Mais cela fait des mois que je n’avais pas vu de cuisses courir.

C’est donc bien aujourd’hui.
Le premier jour de l’année où le sweat tient trop chaud,
où je regrette de l’avoir enfilé,
où je peux courir en T-shirt,
où le printemps commence.

Le soleil le confirme, me fait cligner les yeux. Il éblouit le canal qui se fait rivière d’argent dans la droite de mon œil, quand je passe le pont.

Juste à l’entrée du parc, j’arrache le sweat oppresseur, puis le roule en ceinture.
Une rivière de glace me glisse sur la colonne. La chaleur de la sueur rencontre le frais de l’air.

Puis ça passe.

Mon souffle s’amplifie, mes semelles sont ressort, mes genoux cherchent le ciel.
Mes poumons doublent de volume. Après 2 mois d’obscurité et d’asphyxie, chaque atome de ma peau se gorge d’air nouveau.
Mes bras sont à la fête. Revenir à la lumière. Mon cou, ma nuque, ma gorge reprennent place dans le monde. Ils sentent que l’air est frais, constatent qu’il n’est plus froid.

Je réalise alors tous les sweats, toutes les vestes, tous les pulls à la taille des joggeurs. Du rouge, du rose, du bleu. Tous les bras sont à l’air. Et les cuisses en forêts qui sortent des shorts noirs.
Un torse qui fait des pompes.

Je relève les genoux, accélère dans ce printemps précoce, double un groupe de touristes. Leurs doudounes sont fermées et leurs capuches fourrées.

A ma droite une poussette croule sous les couvertures. La grande sœur bat des gants. Seul le haut de ses joues dépasse de son écharpe, serrée sur sa capuche.
Une vieille dame s’achemine, dans son manteau de laine.
Ils ont tous un bonnet.

Même rue, même heure, même ciel. Une étrange impression de superposition. Les joggeurs goûtent la saison nouvelle en doublant les passants qui finissent celle d’avant.

Est-ce qu’on arrive plus vite au printemps si on court ?

9 février

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