Alors je découvre que je souris.

A l’instant où le caoutchouc sous le bout de mon doigt fait le noir de l’écran, je découvre que je souris.
Lèvres fermées, zygomatique gauche remonté. Peut-être un sillon de soleil au coin de l’œil.
C’était beau là-bas. J’étais bien chez toi.

Mon corps sait qu’il ne faut pas bouger.
Pour ne pas rentrer chez moi.

Bras, chevilles, nuque, hanches … profondément immobiles. Vaisseau en attente de l’équipage.
Ma peau est encore dans leur soleil, mes narines dans leurs fleurs et mon cœur dans sa main. Si je bouge, je reviens.

Trois notes de piano continuent de tinter dans mon crâne.
Et retintent.
Et retintent.
Légères dans le silence de la nuit.

Pourquoi ai-je éteint avant la fin du générique ?
Peur que des images d’un autre monde apparaissent? Peur de l’après-générique. Peur que le coton des nuages soit remplacé par des lessives, du bruit ou des informations.
Prolonger le voyage dans ces vies, chez ces gens, leur histoire. Arrêts sur images dans mon crâne, comme une bande dessinée. Et toujours les 3 notes qui jouent à saute-mouton.

Quand l’écran est devenu noir, la nuit dehors s’est allumée. Vie des voisins par la fenêtre. Dans l’angle droit de ma paupière.
Quand la musique s’est arrêtée, le frigo s’est mis à ronronner. Pour que j’entende mieux le silence.
Et moi je n’ai pas bougé. Suis restée avec mon sourire posé.

Autour de moi, la maison dort. On est en novembre dans ma ville.
Mais dans mes yeux c’est le printemps. Je regarde encore leurs vergers, leurs poires sucrées et leurs bouquets. Et leur sourire d’enfin s’aimer.

Mes pieds ont froid, le jour est loin.
Je sens mon jean et le coussin.
Petit point rouge sous l’écran noir.

Tiens, le frigo s’est arrêté.
Il est l’heure d’aller se coucher.

Le goût des merveilles

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