La jambe est tellement longue que même l’orteil s’étire.
La jambe est tellement longue que la jupette est courte.
Ou la jupette est courte pour que la jambe soit longue …
C’était un coton fin, sa course en fait une vague.
La jambe gauche se lance avec tellement d’entrain que la toile se soulève au milieu de la cuisse. Une lèvre de lait qui embrasse une rotule.
La jambe droite est parfaite. Un mollet de catwalk … en plus appétissant.
Et une peau si lisse, si blanche d’être si neuve. Sauf le bobo au genou.
Quand le regard remonte, ce n’est plus une jupette.
Un drap, plus qu’une tunique.
« Taille haute » parce que la mode l’a dit. Les seins libres parce qu’elle a cet âge.
Des bras ronds gorgés de sève jaillissent des béances de la toile. Un tatouage comme un bracelet en haut de chaque biceps.
Pas de peinture aux ongles. Elle n’a pas ces prisons.
Comme son bras se soulève, la peau sous son aisselle s’offre jusqu’à la taille.
Pas de transpiration. Évidement.
Chair d’albâtre. Abricot blanc, presque gris.
Elle ne se doute même pas que les poils peuvent exister.
Son cou un peu trop long envoie ses yeux de marbre vers sa main qui cherche son arme.
Elle va saisir sa flèche.
2 000 ans qu’elle court sans bouger, que cette flèche, elle veut la décocher.
2 000 ans que son cerf l’accompagne, que ses yeux ne voient rien, que son profil est grec.
500 ans qu’elle vit otage des rois de France.
Toujours, elle aura la peau blanche et les orteils trop grands.
Elle est née adolescente. Elle ne mourra jamais.
Le cul sur le marbre du Louvre, je regarde Artémis.
Autour de moi, une forêt de jambes raconte sa vie dans toutes les langues.
Un jeudi aprem’ au Louvre