Comme chaque jour, elle s’assoupie dans son canapé framboise écrasée.
Ses vieilles jambes, lourdes de chaleur, dégonflent lentement sur le repose-pied.
Malgré les volets fermés, un filet d’air brûlant vient chatouiller le ficus à sa droite. Un cadeau des enfants.
Elle sourit un peu. Une goutte de sueur tiède tente de rafraichir la tempe où bat doucement la vie.
Elle ronfle un peu.
Elle ne dort pas vraiment. Elle repose.
Dans la fournaise autour d’elle, le monde repose.
Déflagration dans les tympans. Explosion des portes de l’enfer. Une meute de lutins hurlants envahit son crâne blanchi.
C’est aujourd’hui.
Chaque année à la même date, cet ouragan de bruit.
Chaque année, à la même date, l’apocalypse se rejoue aux portes de ses fenêtres.
Ce sont d’abord les basses qui envahissent le salon. Immédiatement, le beat assourdi soumet le cœur de la vieille à son rythme profond.
Elle surgit du repos, asphyxiée.
Puis les mugissements du DJ, mixture de sons qui monte par vagues, comme du fond d’une piscine.
Les cris de la foule s’unissent et s’harmonisent au rythme des mélodies sataniques.
La vieille ne connait pas ces chansons. La nuée ne connait qu’elles, les hurle.
Alors le gourou au micro lance sa machine infernale.
Il monte le son, harangue la foule. On pourrait entendre les bras se lever et les corps tressauter.
Le DJ monte le son, le vacarme emplit chaque recoin du salon. Parfois un cri suraigu de fillette vient finir de vriller le tympan de la vieille.
Le DJ monte le son. Les os de la vieille n’en finissent pas de s’entrechoquer dans son squelette fragile.
La foule atteint sa transe.
Les verres en cristal tintent dans la vitrine du buffet.
Le monde va exploser.
Chaque année, à la même date, la vieille survit en souriant à la boum du dernier jour d’école des CM2.