Elle lui sourit.
Un peu trop fort.

Index sur la lèvre. Soleil dans l’auburn.
Rendez-vous de terrasse qui voudrait durer toujours.

Il trottine un pas sur deux, emmené par la main de papa. Ceinture jaune qui dépasse de la doudoune. Bas blanc du kimono qui balaie le trottoir. « On a pris la taille au dessus. Il grandit tellement vite ».

« Il parait qu’tout va bien
tant qu’on est là pour en parler
 »

A contre-courant croise un bouquet de poireaux verts, un caddie bleu, des baskets blanches. Téléphone à l’oreille, ride d’un lion organisateur.
Passage d’une queue de cheval qui balance. Legging moulant, foulée tonique.
Plus loin un sac à dos 60 litres. Chaussures solides, rythme incertain. Nez en l’air.
« Il parait qu’tout va bien
tant qu’on est là pour en parler 
»

Et le ballet des voitures, doublées par les vélos, encadrées des poussettes, trottinettes, planches de skate.
Et les grands et les p’tits, et les femmes et les hommes, et les blancs et les jaunes.
Et les riches et les pauvres. Les pressés et ceux qui n’iront plus nulle part.
Les seuls et les ensembles. Les d’ici, les visiteurs.

Joyeux tourbillon d’un samedi de quartier.
Mais toi, tu n’en es pas. Sous leurs yeux, t’es ailleurs.

Regard droit dans lunettes noires, nuque rigide, sourire plat. Poitrine gonflée, talons qui claquent.
Tu leur marches sur la tête.
Dans ton crâne rappe une bande son qui n’est pas pour ce film.

Les écouteurs te gênent un peu. Tu voudrais ne rien sentir. Sauf le soleil dans tes cheveux, l’air du printemps dans tes poumons … et le choc sourd de tes bottes quand tu martèles le son.

« On est tous encastrés, ce quotidien nous rend taré.
Mais parait qu’tout va bien tant qu’on est là pour en parler 
»

Rythmes fauves en punchline, sa colère serait la tienne. Tu voudrais sa voix, tu aimerais tant sa plume.

Tes lèvres forment en silence le torrent du refrain. Tes lèvres hurlent en silence le mépris de leur poireau, de leur judo ou leurs baskets.
Tu allonges le pas, les passants te font place. Tu n’entends pas tes bottes mais tu sais qu’elles pilonnent.

Tu vois leurs bouches qui bougent, leurs visages qui racontent. Tu vois leurs routines douces, les sourires roses. Leur samedi d’automne.
Tu n’entends que cette voix et ses phrases rebelles.
Dans ton corps dans ton quartier, t’as son âge, t’aurais sa vie..

Ton coeur avec lui, t’es bien au chaud parmi eux.

Un samedi matin dans ma ville, Hugo TSR dans mon crâne.

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