Posé. Figé. Epinglé.
Le troupeau de nuages sucrent glace comme une toile de maître dans mon horizon. Bleu du ciel un peu fade entre les moutons.
Le ciel a arrêté de respirer.
Milieu du jour.
Plus rien n’a d’ombre.
Brise suspendue.
De loin en loin un pépiement ponctue le crissement sourd des cigales africaines. Vrombissement d’une mouche. Puis rien.
Surtout du silence.
Devant, une colline jaune et ses arbres clairsemés. Les lions font la sieste.
Encore devant, une colline amande et ses arbres clairsemés. Les impalas somnolent.
Un peu plus loin la rivière ocre et les crocodiles pétrifiés. A quelques mètres de leurs mâchoires, gnous et gazelles roupillent.
Chaleur du milieu du jour. Temps suspendu.
Trêve de la chaîne alimentaire. Le champ de bataille s’est fait dortoir.
Et moi. Du haut de ma colline, je domine le veld du regard. Il s’appelle savane à l’Ouest. Je l’ai connu « bush ». Ici il se dit « veld ». Partout je les arpente.
Partout les fleuves, les arbres, les éléphants. Ils sont si beaux.
Je suis puissant.
Du Nord au Sud, du matin au soir, sous le regard de ma souveraineté, félins, rapaces et herbes sèches se plient au joug du thermomètre.
Moi pas.
Moi je ne me soumets plus aux rythmes aveugles de la Nature. Moi je ne suis plus programmé pour vivre comme mon père, chasser comme mon aïeul et mourir comme mon fils. Moi je pense, moi je créé. Moi je décide de ma vie.
Mes yeux enserrent ce monde sauvage, de mes godillots civilisés aux ombres bleus des montagnes lointaines. Mon torse se gonfle de l’air chargé de cris, de sèves et de charognes. Mon sang d’Homme pulse dans mes oreilles.
Le lion somnole, la gazelle ronfle.
Une brise se lève, caresse mes bras bruns et puissants. S’effraye. S’évanouit.
Le soleil cuit.
Bon. Vais faire une sieste …
Mais Moi, c’est parce que j’ai décidé !