
Quand t’arriverais, il n’y aurait pas de porte. Parce que dedans chez moi ce serait dehors.
Tu entrerais dans mon petit-grand jardin. Tellement vert qu’en se baissant tu entendrais l’herbe chanter en irlandais.
A droite une belle rangée d’arbres. Très grands, très forts. Mais qui sourient pour pas faire peur. Ils nous protègeraient des yeux des autres.
Le reste : des champs. Et tant pis si les vaches me voient toute nue dans ma maison dedans-dehors.
Sur un bord de mon petit-grand jardin se serait posé une roulotte en bois. Un tapis de pommes de pin ferait un matelas pour ses vieilles roues qui n’iront plus nulle part.
Elle serait bleu ciel. Non, vert granny. En tout cas, pas mauve !
En te mettant sur la pointe des pieds, à travers les rideaux myrtille d’une fenêtre, tu verrais mon chouette lit avec sa grosse couette toute blanche, pour dormir dans les nuages.
Alors je t’inviterais à visiter ma roulotte.
Tu déposerais tes tongs sur la première des trois petites marches en bois délavé. Et tu entrerais alors dans ma petite cuisine de faïence et de fer blanc.
On aurait oublié que quelqu’un a inventé le plastique. Y’aurait même un vieux buffet sculpté pour ranger mes commissions.
Tu ressortirais de ma roulotte pour continuer la visite.
D’abord, ma salle à manger dedans-dehors : une longue table en bois, dorée de miel, posée sur des caillebotis mangés d’herbe verte. Un grand parasol pour rester des heures à table et des chaises en paille qui piquent un peu les fesses. Et au-dessus : le ciel. Et tout autour : le ciel.
Derrière, quelques dalles d’ardoise bleu nuit appelleraient le cloche-pied vers mon salon dedans-dehors. A peine le pied posé sur son grand parquet, tu le sentirais te dire le vent, le soleil et les pluies. La grande bâche couleur de terre te raconterait les orages, et la nuit, les coups de lune. Et sur la bâche : le ciel. Et tout autour : de l’herbe.
Un gros canapé trônerait dans mon salon dedans-dehors, escorté de ses poufs.
Potentat défraichi, il aurait abdiqué son chocolat profond au fil de ses combats avec le vent. Mais il resterait fier de l’élastique fermeté de son assise, à la parfaite distance de la table. Basse, pour y poser les pieds. Nus.
Depuis mon salon dedans-dehors, tu verrais à quelques mètres un beau paravent du même bois délavé que mon parquet. Ce serait ma salle de bain. Elle n’aurait qu’un seul mur. La douche pendrait d’une belle branche. Le miroir serait cassé.
Il y aurait du soleil souvent pour que l’ombre des arbres serve à quelque chose.
Et un hamac. Et des coussins.
Et une moyenne cabane moitié bois-moitié verre, pour le bureau, la bibliothèque … et pour toi, que tu restes quelques jours.
Tu viens quand ?
Trop bien ta cabane-maison dedans dehors.
J’ai bien envie de venir et d’y rester un peu.