
8h ? Peut-être 8.30 ? Le bleu de la fenêtre est encore tout laiteux des rayons de la lune.
Dans cette chambre hors du temps, qui a ouvert mes yeux ? Sans horloge d’un grand-père, ou réveil d’un adulte; sans montre de garçon ou smartphone d’aujourd’hui, je ne sais pas les heures.
Alors je consulte le ciel, et l’espoir du soleil. Comme un enfant encore vierge du temps.
Peut-être même pas 8h !
Les bruits de la vie n’ont pas atteint cette chambre.
Ont-ils même commencé ?
A peine le frôlement d’un camion qui rond-pointe, tout au bout du village.
Et autour … le silence.
Mes triceps pressent un peu plus la couette contre mon torse. Fermeture hermétique de la cabine d’air chaud qui m’enveloppe le corps.
Au rez-de-chaussée, le feu d’hier est mort. Celui d’aujourd’hui n’est pas encore né. Légère fraîcheur sur la peau de mes avant-bras.
Je me réveille, mais sans le temps. Dans cette chambre d’adolescent. De mon tonton adolescent.
Dans cette maison de mes étés, je fini de prendre conscience, me réinstalle dans ma tête.
Visage bouffi d’une nuit d’absence, peau un peu grasse de nos banquets. Esprit alerte, corps un peu lourd. Matin d’hiver.
Quel programme aujourd’hui ?
Rien. Si je veux.
Il est 8h. peut-être 7. Aller boire l’air nouveau ? Leur offrir le pain frais du matin ? Aller courir ?
Ou juste rien.
Torse enchâssé dans le grand lit. Fesses enfoncées dans son grand âge. Genoux reposés, mollets déposés.
Le vieux rose des rideaux sur les poutres châtaigne. Et dans le coin de mon œil droit, les couettes de ma petite sœur.
Presqu’un siècle de photos. 5 générations de sourires sur une coiffeuse sans âge. Et sous mes omoplates, le matelas qui ricane.
Que sait-il de ces amours ??
Et toujours ce silence.
Silence dehors.
Silence dedans.
Silence dans ma tête.
Se rendormir ?
Un éléphant nain à Mach 2 dans l’escalier. La porte de la chambre explose.
« Tonton ! A table !
Tous les cousins sont arrivés et grand-mamie a fait la truffade »
