Non. C’est pas ça. Ca marche pas.
Agacement.
Expiration de Minautore sur molaires encastrées. Main droite en suspens au-dessus du clavier.
Recommencer. Penser autrement.
Encore …
Mes doigts se jettent sur mes paupières, enfoncent mes sourcils dans mes orbites. Tentative absurde de faire « Reset ». Presser un peu plus fort sur les yeux en espérant trouver la lumière.
Flash de bon sens: accepter de s’arrêter. De laisser quelques minutes de vide, pour qu’apparaisse un autre chemin dans ce fichu fichier.
Pause.
Alors de toute leurs longueurs, mes phalanges tirent mes joues en Droopy. De cette même lenteur, mes coudes vont atterrir sur le beige dépressif du bureau; mes yeux redécouvrent les gris du ciel par la fenêtre et ma main droite dévale la blancheur de la chemise gauche.
Je m’offre quelques minutes de respiration neuronale.
Comme mes doigts se lovent autour du coude, mon pouce gauche s’approche de ma gorge et rencontre … ça. Et tous mes films d’horreur remontent en cavalcade.
Pourquoi ?
Pourquoi la rigidité molle de ce tuyau au milieu de mon cou?
Qu’il est mal conçu ce pipeline d’oxygène entre le bleu de notre air et mes alvéoles salutaires ! Ce vide dans mon plein, ce rigide plein de mou. Il était trop vital pour l’offrir ainsi aux couteaux des égorgeurs.
Du flanc de sa phalange, mon index caresse la peau élastique pour explorer le tube. C’est une mue de couleuvre, bleue, sûrement translucide. Incongru à la caresse. Jamais reluqué.
J’imagine ses anneaux, souples et solides tels … des arêtes de poissons. J’en ai brisé tellement, des arrêtes de poissons ! et entre les arceaux, à peine du papier de soie…
Vulnérabilité intolérable.
Puis quand je presse le tube, une sensation étrange. Une légère contraction en haut de la boîte crânienne. Envie de déglutir, et aussi de vomir. Pas vraiment une douleur, mais clairement une frayeur.
Quelle utilité cryptique à ce raccourci vers la mort ?
Je me revois enfant, interroger les Dieux. D’ailleurs on fait des bisoux dans l’cou … jamais sur la trachée!
Un téléphone sonne. Le regard de mes yeux, perdu derrière la vitre, voit un bleu déchirer le gris. Seule ma main est éveillée, ascenseur sur ma trachée. Mon index apprivoise, ce bout de corps … de fille.
Pourquoi ?
Images de leurs saillies dans du lait, piquetées de points noirs. Un sourire lumineux, dessous quelques beaux muscles. Une galerie de portraits, comme une odeur de musc. Des hommes !
Car il n’est que la Bible qui m’explique cette pomme !
Derrière mes yeux se réveille alors la chanson lancinante de l’incompréhension. A quoi ça sert ? Des décennies qu’elle m’accompagne, cette question absurde.
A quoi ça sert que les glottes des hommes et des femmes soient différentes ???
Finalement, mon fichier pose des questions plus simples …