Jeudi, 12h47 – Paris court, la Seine déborde.
Les caniveaux sont torrents et les arbres sont ivres.
La pluie vient de cesser. Les parapluies sont exténués de leur marathon qui prend fin.
Jeudi, 12h47, le ciel vire au bleu sec.
Il remet enfin son bleu comme on remet son vieux jean, celui dans lequel on ne rentrait plus, celui qu’on a eu peur de devoir oublier. C’est quand même celui qui nous va le mieux !
Jeudi, 12h48. Le ciel est bleu et sec.
Les torrents des caniveaux deviennent rivières de printemps. Les trottoirs envisagent de sécher. Le soleil brille.
Enfin.
Et fort.
Jeudi, 12h48. C’est l’heure de courir alors que sort le soleil : aller à un rendez-vous, un déjeuner; rentrer d’un rendez-vous, d’un entretien.
Retourner, aller, se dépêcher. Mais, elle, elle a décidé de s’arrêter.
Un banc vert. Les bancs de Paris.
La chaleur de son manteau l’emporte sur la fraîcheur dans ses cuisses. Son dos s’abandonne sur le dossier, sur le moelleux de son manteau rouge.
Ses cheveux bruns bien rangés dans une queue de cheval efficace.
Elle offre son visage à la chaleur du soleil.
Elle est jeune, dynamique, dans le flow.
Probablement active, peut-être même déjà presqu’en retard. Pourtant, après 4 jours de pluie, quand le soleil est sorti sans rendez-vous, elle a décidé de s’arrêter.
Derrière, un fleuriste qui s’empresse de ressortir ses vases. Devant, des voitures, inadaptées, impatientes.
A côté, lui qui téléphone, tête légèrement baissée, regard dans le vide. Dans son dos, sur le banc aussi, elles, qui engloutissent un sandwich sans cesser de vouloir.
Et Elle, au chaud dans son manteau rouge.
Elle laisse la peau de son visage s’étirer au soleil. Elle savoure les picotements de cette chaleur sur les joues.
Elle happe la lumière qu’elle irradiera plus tard. Au soleil de Paris fleurit son sourire.
Jeudi 12h48, Paris court, Elle ne fait rien.
Intensément.