
Le doux du chaud du bois du sol sous les pieds nus.
Le chaud du lisse du blanc du mug au creux de la paume droite.
Le dur des pointes des os des fesses, celui des coudes des bras des mains.
Le poids des paupières pas encore remontées, stores du matin de ma journée.
Ma voix off me ramène « tiens … c’est le petit-déj’ … j’étais partie »
Comme un film qui commence par une scène d’action sans expliquer les personnages.
Quel jour ? quel lieu ? faire quoi ?
Prendre mon petit-dèj’
Etre là. Profitez. Le silence. Le café. L’oublier
L’électricité repart dans mes nerfs. Quel con!
STOP
Ma tête secoue gauche-droite pour revenir au café.
Porcelaine sur les lèvres, cascade trop chaude, yeux qui redescendent sur les lettres noires du papier gris.
Petit-déj, journal, silence … « Nouvelle réforme … »
Mes mâchoires se resserrent. Incisives du bas en bélier. Elles tentent de déchausser leurs cousines du haut. Poigne droite qui serre un peu plus mais ne sent plus le mug. Mes yeux deviennent aveugles.
Et sa voix dans ma tête qui redit ce mensonge. Pour la centième fois.
Ma voix qui lui répond ce qu’elle n’a pas su dire alors.
Son visage abruti, lisse et tellement conforme, sur lequel mon cerveau superpose un rictus.
De la boue dans mes veines. Entrailles contractées,
Mais quel connard !
Mon cœur qui accélère.
Rouages frénétiques des méninges de mon crâne, je repars dans mon film. Retransmission multiplex. Tant d’images. Tant de mots.
Et toujours mes entrailles ivres de leur impuissance.
Et mon cœur qui bat vite, dans une cage trop petite.
Et mes lèvres qui se pincent.
Scénaristes maudits, mes neurones ré-écrivent les semaines passées. Mais ma mémoire se bat. Elle sait la vérité.
Bouillie d’images dans mes yeux et de mots dans mon crâne.
Amertume dans la gorge de ce que j’ai laissé faire. Aigreur dans l’estomac de que qu’ils ont toléré. Mes côtes qui me compressent, j’ai mal à tes victimes.
Au fond mes amygdales qui veulent me faire vomir.
Mais quel connaaaaard !
Avant que ma peau n’explose du trop plein d’injustice, une décharge électrique me ramène au café.
Re-secouer la tête. Plier les yeux très fort. Redresser les épaules.
L’affaire n’est pas pliée. Un gladiateur dans le coeur, un ninja dans la tête.
Une fleur de jasmin s’échappe d’un soutien-gorge
« Ma chérie, dans ta vie, des cons, tu en rencontreras.
Dis-toi que leur violence est le fruit de leur ignorance.
Car il n’est rien de plus triste que le ressentiment »
Je souris. Un sucre dans ma bouche, un soleil dans mon cœur.
« Merci, Mamie ».
Mais j’vais l’défoncer quand même.
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La vraie phrase de la grand-mère Marjanne Satrapi dans Persepolis
« Dans la vie, tu rencontreras beaucoup de cons.
S’ils te blessent, dis-toi que c’est la bêtise qui les pousse à te faire du mal.
Ca t’évitera de répondre à leur méchanceté. Car il n’y a rien de pire au monde que l’amertume et la vengeance »